Prisonniers

Publié le par Quadehar

Prisonniers


    Des jours que je suis là, debout, en ligne à côté des autres ! Ceux-ci sont d’ailleurs manifestement là depuis bien plus longtemps que moi. Il ne nous est même pas possible de nous allonger, car nos geôliers accourent aussitôt et nous forcent à nous relever, n’hésitant pas à nous bousculer.

    Nous ne tenons plus que grâce au mur dans notre dos, ainsi qu’en nous appuyant les uns sur les autres. Cela nous permet de réduire la douleur, mais lorsque l’un de nous s’effondre, par manque de force, il entraîne la plupart d’entre nous dans sa chute par la même occasion, et nos gardiens sont obligés de nous aider à nous redresser. Nous ne sommes pas capables de le faire seuls.

    Bon sang, mais qu’avons-nous fait ? Pourquoi sommes-nous dans ce lieu ? Certes, mon père était un Résistant, mais je n’ai fait que diffuser ses idées ! Est-ce un crime ? Apparemment oui, car tous ceux qui sont à mes côtés ont contribué à informer les gens sur l’Histoire.

    Parfois, il arrive que plusieurs d’entre nous soient emmenés, pour une durée plus ou moins longue. Certains sont reconduits en piteux états, d’autres ne reviennent jamais. Rares sont ceux qui réapparaissent sans avoir été malmenés.

    Pour nos détenteurs, nous ne sommes plus que des matricules, identifiés par les numéros qu’on nous a gravés sur le côté. Désormais, je ne suis plus connu que sous le nom de 1085 – 58 – 1320.
À tous moments, nos geôliers nous passent en revue, en nous détaillant de leur regard froid et distant, comme s’ils cherchaient à percer nos secrets.
    Il arrive que dans un accès de sadisme, l’un d’entre eux saisisse un de mes compagnons, l’obligeant à pivoter pour mieux le contempler, avant de l’éjecter sans aucune délicatesse vers nous.

    En face de nous, d’autres subissent le même calvaire que nous. D’après les quelques mots que nous avons pu échanger avec eux dès que la pièce se retrouvait vide de gardes, ceux-ci ont eu le malheur de rire. Ils sont plus souvent emmenés que nous, et reviennent généralement salement amochés, pour ceux qui reviennent. À croire que ceux qui nous maintiennent prisonniers répriment sévèrement la joie.

    J’en suis là de mes réflexions, quand soudain, la main d’un garde me saisit et m’attire hors du groupe. Il ne me jette même pas un regard, se contentant de fixer notre destination. Je la vois, maintenant, une grande table gigantesque, destinée à un usage mystérieux.
    Arrivé là, il me fait m’allonger sur celle-ci, et je ne peux m’empêcher de laisser percer un soupir d’aise, après ces quelques semaines debout. Une femme s’approche de moi, m’observe attentivement, puis relève mon numéro, qu’elle reporte sur un clavier. Une fois cela fait, elle fixe l’écran, puis annonce à l’homme, avec un léger sourire :

    « Excellent choix ! C’est un classique de la littérature historique. Combien de temps désirez-vous l’emprunter ? »

Publié dans Récits

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S
<br /> <br /> Waou!!! c'est enorme!!! je n'avais pas du tout compris ça avant de lire le commentaire!! c'est vraiment genial. L'idee est merveilleuse!! j'en tombe sur les fesses, comme on dit !! =)<br /> <br /> <br /> <br />
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M
héhé c'est chouette =D Les pauvres livres, je savais pas qu'ils souffraient tant ! à partir de maintenant je vais les faire coucher xD
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